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Lovely Caution n'est pas tout à fait morte.
25 juin 2007

Res publica

Il est 3h du mat et nous avons furieusement envie de sexe, là tout de suite maintenant. Debout contre la porte d’entrée c’est très bien, c’est même pour ça que ce soir je porte une petite robe noire. Ses mains sur mes hanches, ma cambrure, c’est tout à fait parfait voire même idéal…

Nous voilà prêts, ou du moins prêts à tout, seulement voilà, coup du sort incroyable, nous ne trouvons pas de préservatif à nous mettre sous les doigts.

Ça commence quasi comme ça. Hara-kiri pourrait on dire.

Nous avons 31 ans tous les deux, soit 62 années d’expérience cumulées dont au moins 25 en terme de sexualité active et nous voilà néanmoins retournés au point de départ, à nos 15 ans, quand faire du sexe pouvait s’avérer une véritable épopée semée d’embûches improbables et de périls innombrables, une sorte d’odyssée incroyable !

Tout de même, les temps ont un peu changé: notre majorité sexuée, sexuelle et citoyenne nous offre quelques avantages et malgré l’heure tardive, la fatigue provoquée par nos différents excès, l’appétence irrésistible que nous éprouvons à cet instant précis l’un pour l’autre, nous voilà repartis à travers les rues quasi silencieuses de paris, avec cette seule idée en tête : obtenir le précieux bout de latex qui nous libérera de notre obsession concupiscente.

Nous ne perdons pas de temps : nous voici déjà sur le boulevard de la chapelle. Nous marchons tranquillement, nous cheminons confiants, nous sommes presque sereins : après tout, ici, il y a assez de défonce et de prostitution (occasionnelle ou pas), pour que nous trouvions un distributeur de préservatif quelque part. La prévention, c’est important ! Du moins avons-nous la naïveté de le croire.

6 pharmacies plus tard nous sommes littéralement au bord du désespoir : pas de latex, pas de durex, adieu condom et capote anglaise, fini, fertig, game over, il n’y aura pas de sexe ce soir tut mir leid! L’excitation nous écorche et nous sommes faits comme des rats.

Je ne suis pas loin de m’effondrer sur un bout de trottoir, défaitiste, fataliste, résignée, évoquant quelque very bad karma, mais mon compagnon lui s’insurge : non je ne paye pas quelques mauvaises actions commises dans une vie antérieure, non tout ça c’est n’a rien à voir avec moi ni avec mon signe astrologique mais bien avec nos hommes politiques qui décidément ne s’intéressent plus guère à la chose publique. Car enfin, que font notre maire, député, sénateur, sans compter nos ministres et autres fonctionnaires d’état pour nous protéger des dangers d’une sexualité assumée, épanouie, pluraliste et heureuse ? Les MST en tout genre ont-elles disparu subitement et définitivement de la surface de la terre? Ne meurent on donc plus du VIH dans d’atroces souffrances ? Ou bien faut il s’aimer platoniquement pendant 3 mois avant d’envisager une batterie de test sanguins qui assureront une pénétration sécurisée ?

Il m’a convaincue le bougre, je suis prête à en découdre : le temps de l’insurrection est venu ! Allons de ce pas faire quelque esclandre tonitruante devant la première mairie que nous croiserons.

Mais avant de nous lancer dans quelques insurrections de boudoir, nous devons en finir avec le désir qui nous vrille le ventre et nous rend si cruellement irritables: Nous avons beau être humanistes et révoltés, nous n’en sommes pas moins homme et femme : nous voulons nous aussi croquer la pomme.

C’est alors, signe, hasard, fortune ou destinée, qu’une pharmacie abandonnée, du côté de la rue philippe de Girard nous fait signe de loin, comme un dernier espoir. Nous nous approchons, nos cœurs battent la chamade, et là, contre toute attente, accroché à la façade ruinée de l’officine, un distributeur de préservatifs surgit fièrement. Nos pouls s’emballent un peu plus, nous sommes à la limite de l’apoplexie : notre quête va-t-elle enfin prendre fin et notre désir se résoudre ou bien un dernier coup du sort nous empêchera-t-il de…?

Nous nous approchons avec précaution de l’objet de notre convoitise, glissons quelques piécettes dans la fente de la machine, gling gling, scratch, boum : le petit tiroir s’ouvre. Un ravissant boîtier apparaît, un cupidon doré nous sourit, Ola dit il !

Une impression d’intervention divine flotte dans l’air : Nous sommes sains et saufs, ce n’est pas encore cette fois là qu’en désespoir de cause nous adopterons un comportement à risques…comme on dit.

Oh incroyable et irrésistible instant de grâce ! Nous rentrons et c'est enfin que nous pouvons nous en donner à coeur joie.

Cependant, nous saurons tirer les leçons de notre mésaventure : il est clair que pour faire du sexe dans une certaine sérénité mieux vaut être responsable, organisé, motivé et patient.

Ou plus simplement nanti. Car enfin, force fût de constater, après coup, qu’il aurait suffit de se brancher sur la toile pour commander un brin de champagne sur www.eatndrink.fr et notre affaire aurait été réglée : un charmant livreur en tenue de soirée se serait pointé dans la demi heure suivante, le temps d’entamer quelques menus préliminaires. Il aurait frappé trois coups à la porte avant de nous remettre deux flûtes, une bouteille de champagne Piper, trois préservatifs ni plus ni moins. Et tout ça pour la modique somme de 50€. Soit grosso modo, une journée de travail au SMIC.

Travailler plus pour gagner plus est décidément d’actualité….

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